[:fr]Combat d’une ado sans statut[:en]A Non-Status Teen’s Fight[:]

[:fr]lakatosweb010Le 2 août est considéré comme le jour de commémoration du génocide des Roms d’Europe durant la Seconde guerre mondiale, afin que de telles atrocités n’aient plus jamais lieu. Mais la droite xénophobe est à nouveau en expansion en Europe.

Katalin Lakatos et sa fille Gilda, deux femmes refugiées d’origine Roms de Hongrie qui luttent contre leur déportation de Canada depuis le rejet de leur demande de statut de réfugié il y a plus d’un an, ont reçu un avis d’expulsion pour le 11 août.

Voici une lettre où Gilda raconte son long combat pour rester au Canada, et pourquoi sa famille a fui la Hongrie et ne veut pas y retourner.


Pour savoir plus sur leur histoire ou pour savoir comment vous pouvez les appuyer, cliquer ici.

2 août 2016

Je m’appelle Gilda, j’ai 17 ans et je suis Rom. Je suis arrivée au Canada avec ma mère, mon père et mon frère, il y a 5 ans. Nous sommes venus ici pour fuir le racisme, la violence et la discrimination que nous avons vécus en Hongrie.

En tant que Rom, nous avons toujours vécu dans la peur, mais ces dernières années, la situation s’est empirée. À la télévision, les politiciens disaient que « les Roms sont des parasites qu’il faut éliminer ». Il y avait des groupes de « skinheads » habillés en soldat avec des drapeaux Nazi qui marchaient autour des villages Roms. Ils étaient devant les maisons Roms et ils chantaient : « Vous allez mourir ici ! » Il y a même une famille qui a été tuée. J’avais peur de marcher dans la rue seule, surtout après que ma mère a fait une plainte contre la police suite à la mort de mon frère. Dans la rue, on recevait des menaces et des injures sexuelles. Ces attitudes étaient partout. Nous ne pouvions pas vivre une vie normale.

En Hongrie, l’école a été une expérience très difficile : les enfants Roms étaient séparés des enfants Hongrois non-Roms. Dans la cour d’école, on ne pouvait pas jouer avec les autres enfants. Il y avait des classes spéciales juste pour les Roms. Nos professeurs ne se présentaient presque jamais et même quand ils étaient là, ils ne répondaient pas à nos questions.

Le racisme en Hongrie est partout, même dans les hôpitaux. Je me rappelle quand mon autre frère était malade, j’avais 11 ans. Nous sommes allés à l’hôpital et ils ne voulaient pas le traiter. Les médecins disaient qu’il n’avait rien et ils nous ont dit de rentrer à la maison. Le lendemain, son état avait empiré : il vomissait du sang, il faisait une forte fièvre et n’était même pas capable de se lever du lit ou de marcher. On a appelé le docteur pour venir le voir, mais il nous a dit qu’il était occupé et qu’il ne pouvait pas le voir. Le lendemain matin, mon frère ne pouvait pas respirer, mon père l’a alors pris dans les bras et nous sommes allés à l’hôpital et le médecin a dit qu’il fallait l’envoyer en urgence à l’hôpital de Budapest parce que sa vie était en danger. À l’hôpital à Budapest, son cœur a arrêté au cours du traitement et il est tombé dans un coma pendant 5 jours. C’était la deuxième fois que j’allais perdre un frère à cause du racisme et de la discrimination. Je me souviens que le médecin nous avait expliqué que cela aurait pu être évité s’il avait été traité plus tôt, mais en Hongrie, c’est très commun que les médecins refusent de traiter les Roms. Pour ma mère, c’était encore plus difficile, juste au moment où elle commençait à aller mieux, elle risquait de perdre un deuxième fils. Mes parents étaient tous les deux tombés en dépression. Nous ne savions plus quoi faire, c’était trop. Heureusement, mon frère est sorti du coma, mais nous ne pouvions plus supporter tous ces difficultés. Nous sommes venus au Canada.

Pendant 5 ans au Canada, nous avons réussi à vivre une bonne vie. Je pouvais aller l’école et être traitée comme les autres enfants. J’aimais mon école, j’avais des amis, je réussissais bien, je faisais des activités tel qu’un programme de bénévolat auprès des femmes âgées, j’ai appris à parler français, et à jouer au basketball. Je me suis fait beaucoup d’amis à l’école. Nous faisions des sorties et des activités ensemble. Je leur parle régulièrement et ils me soutiennent beaucoup. Ils m’ont aidé à passer à travers tout ça. Ils m’ont donné espoir, ils m’ont fait sentir que tout était possible. Ceci est très précieux pour moi car en Hongrie, je n’avais pas d’amis non-Roms, personne ne voulaient nous parler parce qu’on était Rom. Ils nous disaient toujours: « on ne parle pas aux gitans! ». Je ne veux pas perdre mes amis Canadiens.

Je suis désespérée quand je pense à mon avenir. Je ne comprends toujours pas pourquoi nous avons été refusé, pourquoi on veut nous retourner en Hongrie.

En avril 2015, on nous a refusé le statut de réfugié. En septembre, nous avons déposé une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires. En octobre, nous avons fait une demande pour pouvoir rester au Canada jusqu’à ce qu’on reçoive une réponse à notre demande humanitaire, mais à notre grand désespoir, elle aussi à été refusée.

C’est pour notre famille une expérience très difficile. Pendant cinq ans, nous avons réussi à vivre une vie normale. Nous étions pour la première fois comme les autres, nous étions en sécurité. Nous avions tellement d’espoir. L’idée de repartir en Hongrie nous ramenait dans tous ces souvenirs, ces slogans, cette discrimination constante dans tous les aspects de notre vie : à l’école, au travail, à l’hôpital, dans la rue. Nous ne pouvions pas y échapper, nulle part.

On nous a demandé de quitter le Canada le 30 octobre. Nous sommes restés et sommes devenues des sans papiers, susceptibles d’être arrêtés et renvoyés à chaque moment.

À cause de cette situation, je n’ai pu pas terminer l’école secondaire. Après l’ordre de déportation, j’avais peur de continuer à aller à l’école. Mes camarades me posaient des questions sur ce qui se passe avec moi et ma famille. C’était humiliant pour moi de leur raconter mon histoire et que je devais arrêter mes études.

En mars dernier, mon père et mon frère ont été arrêtés lors d’un contrôle policier de routine de la voiture dans laquelle ils se trouvaient. Après que mon père et mon frère ont été détenus, ma mère et moi nous nous sommes rendues à l’Immigration le 8 mars. Nous avons été placées en détention au centre de Laval. On était comme en prison pendant 10 jours. Cette expérience a été très lourde mentalement pour ma mère et moi. Nous étions placées dans une section à part. Nous étions seules avec nos pensées. Nous ne faisions que penser à tout ce qui nous était arrivé et à tout ce qui nous arrivera si on retourne en Hongrie.

Mon père et mon frère ont été expulsés quelques jours après que j’avais été placée au centre de détention. Maintenant, ils vivent dans une grande précarité en Hongrie. Depuis qu’il est en Hongrie, je suis inquiète pour mon père. Il m’a dit qu’il ne dort plus, il ne mange plus. Ici, ma mère et moi, vivons dans la peur constante de ce qui pourrait leur arriver.

Je suis inquiète aussi pour ma mère, sa santé est très fragile. La mort de mon frère aîné a été très difficile pour elle. Depuis sa mort, elle souffre d’une dépression presque constante. L’incertitude de notre situation depuis le refus de notre demande de réfugié la touche beaucoup, et presque chaque difficulté est devenue trop pour elle. Par exemple, après que nous avons été libérées du centre de détention à Laval, elle n’est pas sortie du lit pendant trois jours. Pendant ces trois jours, elle ne parlait presque pas. Je ne savais plus quoi faire.

J’essaie d’être forte, mais ce n’est pas du tout facile. Tous ces événements laisseront des marques sur moi, pour toujours. Quand je pense à ça, je deviens stressée, j’ai peur. C’est difficile pour moi de même penser à retourner en Hongrie. Ici au Canada, je peux avoir une vie normale. J’ai des projets d’avenir, des rêves pour ma vie au Canada … Je voudrais poursuivre mes études, terminer la secondaire, aller au collège, puis aller à l’Université. J’aimerais travailler dans une entreprise en tant que gestionnaire, ou devenir avocate …

Le 12 mai, nous devions être expulsées vers la Hongrie, mais nous avons supplié le ministre de rester. Avec le soutien de nos amis, des organismes qui nous ont aidées, nous avons reçu un permis temporaire pour rester au Canada jusqu’au 16 juillet. J’étais à la fois soulagée et déçue, car il y avait toujours une possibilité que l’on soit déporté. C’était toujours l’incertitude.

Et maintenant on nous a demandé de quitter encore une fois, cette fois le 11 août.

Je fais de mon mieux pour ne pas y penser. Je fais de mon mieux pour être positive, aider ma famille et d’autres qui vivent dans des situations pareilles, et de faire les démarches pour pouvoir rester ici au Canada de façon permanente.

Voilà les raisons pourquoi je vous supplie de nous donner la chance d’ être en mesure de rester. Avec ma famille, je voudrais continuer à construire mon avenir ici, au Canada, qui est aussi mon pays.

Je vous remercie

Gilda Lakatos[:en]lakatosweb010August 2nd is the day to remember the genocide of Roma people in Europe during the Second World War, so that such atrocities would never happen again. But the xenophobic extreme right is again on the rise in Europe.

Katalin Lakatos and her daughter Gilda, two Roma women from Hungary who have been fighting their deportation from Canada since their refugee claim was refused over a year ago, have been ordered deported on 11 August.

Here is a letter that 17-year old Gilda wrote about her long, long struggle to remain in Canada, about why her family left Hungary and does not want to return.

To find out how to support this family, click here.

***

2 August 2016

My name is Gilda. I am 17-years old and I am Roma. I came to Canada with my mother, my father, and my brother five years ago. We came here to escape the racism, violence and discrimination we suffered in Hungary.

As a Roma family, we always lived in fear, but in the last years, things got worse. On television politicians were saying things like, “Gypsies are parasites we must eliminate”. Groups of “skinheads” dressed as soldiers with Nazi flags marched around Roma villages. They stopped in front of Roma houses and chanted, “Here you will die.” A family was killed. I was afraid to walk in the streets by myself, especially after my mother made a complaint against the police about the death of my brother. We were threatened and insulted sexually in the streets. These attitudes were everywhere. We couldn’t live a normal life.

In Hungary, school was difficult. Roma kids were separated from non-Roma Hungarian kids. We couldn’t play with the other children. There were special classes just for Roma. Our teachers never came to the class and even when they were there they didn’t answer our questions.

Racism in Hungary is everywhere, even in the hospitals. I was 11 when my other brother got very sick. We went to the hospital, but they didn’t want to help him. The doctors said there was nothing the matter with him and sent us home. Next day, he was even worse, he vomited blood, he had a high fever, and he couldn’t even get out of bed or walk. We called the doctor to come but he said he was too busy.

Next morning, he could hardly breathe, my father carried him to the hospital and the doctors had to send him to Budapest because his life was in danger. In Budapest, his heart stopped and he fell into a coma for five days. It was the second time that I almost lost a brother to racism and discrimination. The doctor told us that it could have been avoided if he had been seen earlier. In Hungary, Roma are often refused treatment by doctors. For my mother it was even more difficult, just when she had started to feel better she almost lost another son. My parents were both very depressed. We didn’t know what to do, it was just too much. Thank goodness, my brother awoke from the coma but we could no longer put up with it all. We came to Canada.

For five years in Canada, we had a good life. I was in school and was treated like other kids. I did well, there were school activities like a volunteer programme at an old age home for women, I learned to speak French, and to play basketball.

I made lots of friends at school. We went out and did things together. We talk regularly and they support me a lot. They helped me get through my past; gave me hope, they made me feel like everything was possible. This was so important to me, because in Hungary, I didn’t have non-Roma friends, nobody would talk to us because we are Roma. They would say, “we don’t talk to Gypsies.” I don’t want to lose my Canadian friends.

I feel hopeless when I think of my future. I don’t understand why we were refused, why they want to send us back to Hungary.

In April 2015, our refugee claim was refused. In September we put in an application for permanent residence on humanitarian grounds. In October we asked to be able to stay in Canada until there was a response on our humanitarian application. We felt terrible when they refused to allow us to wait for a response.

This was one of the most difficult times for my family. For five years, we had been able to live a normal life. We were like others for the first time, we were safe. We had such hope. The idea of returning to Hungary brings back all these memories; the slogans, the constant discrimination in all parts of our lives – school, work, hospital, in the streets. There is no escaping it, anywhere.

They ordered us to leave Canada on October 30th. We stayed and became “non status”, at risk of being arrested and deported at any time.

Because of this, I couldn’t finish high school. After the deportation order, I was afraid of continuing school. My classmates asked what was going on with me and my family and it was humiliating to have to explain my story and why I had to stop school.

In March, my father and brother were arrested during a routine police check of the car they were traveling in. After they were detained, my mother and I turned ourselves in to Immigration on March 8th. We were put in detention in Laval. We were in a kind of prison for 10 days. This was very hard on my mother and me. We were placed in a segregated section. We were alone with our thoughts and had nothing to do except think about all that had happened to us and what would happen to us back in Hungary.

My brother and father were deported a few days after we were put in detention. Now they are living in a lot of insecurity in Hungary. I am worried about my father. He tells me that he can’t sleep or eat. My mother and I are always worried about something happening to them.

I am also worried for my mother; her health is not good. The death of my oldest brother was very hard on her. Since his death she has suffered from depression a lot of the time. The uncertainty we have been living since our refugee claim was refused in April 2015 really affected her, and almost every difficulty has become too much for her. After we got out of the Laval detention centre, she didn’t get out of bed for three days. She hardly talked for those three days. I didn’t know what to do.

I am trying really hard but it is not easy. All these things have left a mark on me, forever. When I think about it, I become very stressed, I am afraid.

It is hard for me to even think about going back to Hungary. In Canada, I can live a normal life. I have dreams for the future, for my life in Canada. I want to continue school, finish high school, go to CEGEP and then university. I would like to work as a manager in a business or become a lawyer …

On May 12th, we were supposed to be deported to Hungary but we appealed to the minister to stay. With the help of friends and organizations who are supporting us, we got a temporary permit to stay until July 16th. I was relieved but also disappointed because we could still be deported. We were still in complete uncertainty.

And now we have been asked once again to leave, this time August 11th.

I am doing my best to not think about it. I am doing my best to be positive, help my family and others in similar situations, and to do everything possible to be able to stay here in Canada permanently.

These are the reasons that I am appealing to be given the chance to stay. With my family, I want to continue to build my future here, in Canada, which is also my country.

Thank you!

Gilda Lakatos[:]